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Chronique de la barbarie ordinaire
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C’est en pensant à un humoriste qui animait jadis une chronique radio, que m’est venue l’idée d’un tel titre pour accompagner ce thème de la barbarie. Si Pierre Desproges était encore de ce monde, j’imagine sur quel ton il aurait parlé de ces scénarios macabres que nous vivons aujourd’hui. Ces temps-ci la barbarie m’inspire, et il y a de quoi ! Je ne parle pas de la barbarie dans son sens originel, car le mot “barbare” désignait pour les Grecs de l’Antiquité les gens qui ne parlaient pas leur langue. Il signifiait “non Grec” ou “parlant différemment”, mais sans pour autant revêtir le sens d’inhumain que nous lui donnons aujourd’hui. Par extension, ce mot a pris une consonance péjorative, puisqu’il renvoie désormais à l’image de ce qui n’est pas civilisé, de ce qui fait preuve de cruauté, de malveillance active, de férocité, et qui va à l’encontre des valeurs morales. La barbarie contrevient à l’idée d’humanisme, car elle prône d’une façon ou d’une autre le despotisme, le pouvoir autoritaire, coercitif et absolu, sur un autre être vivant, humain ou animal. J’ai l’habitude de parler des maltraitances de la pensée, cette fois je change de niveau en abordant un aspect plus physique de la maltraitance à travers deux de ses manifestations : celle de la barbarie soudaine et guerrière qui défraye la chronique avec nos attentats, mais aussi celle d’une barbarie consentie s’exerçant au nom de la tradition contre des lévriers (notamment), et dont on entend rarement parler. Fidèle à ma ligne intellectuelle fédérant les formes de conscience et de vie, qu’elles soient humaines ou animales, j’englobe ici la barbarie sur des victimes de toute nature, quelle que soit l’espèce, sachant qu’il y a un facteur de résonance entre les deux.
A Peter P.
Qui ne s’est pas éveillé ou endormi en s’interrogeant sur les bizarreries de ce monde, à la fois cruel et magnifique, insupportable et enthousiasmant, selon les moments qui nous sont donnés de vivre ? Nos corps physiques exultent parfois, mais souffrent aussi le martyre pour des raisons que nous ne pouvons ni comprendre, ni admettre, juste subir, en espérant des lendemains meilleurs. Si certains sages parviennent, parait-il, à maîtriser le pourquoi du comment des turbulences nous secouant de la naissance à la mort, le commun des mortels demeure acteur et spectateur d’une vie dont il se sent parfois otage, notamment lorsque naît en lui le désarroi de ne pouvoir changer l’ordre des choses. Disant cela, je pense plus particulièrement au spectacle ahurissant de violences gratuites infligées aux quatre coins du monde, étant entendu qu’il y a celles dont les médias nous parlent presque en direct, mais celles aussi dont ils ne parlent jamais, comme s’il y avait des barbaries plus ou moins dignes d’intérêt, plus ou moins importantes. Quelle erreur ! Les barbaries sont comme les grains de raisin sur un même cep de vigne, elles poussent en grappe, reliées les unes aux autres comme les synapses transmettrices du cerveau. Rien ne sert de se préoccuper ou de s’émouvoir de l’une si on ignore les autres, car elles opèrent de concerts, échangeant et se nourrissant de la même information de malveillance qui repose toujours sur la négation du principe de vie .
Nombre de pages : 8 Parution : octobre 2016
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